J’avais effectué le dernier vol du NAvion avec papa en 2015, sans savoir que ce serait le dernier… C’était surtout son dernier vol sur son avion et mon dernier vol avec lui…

Le 1er novembre, date anniversaire de papa, le NAvion HB-ESB a repris les airs pour la première fois depuis 8 ans.

Cette journée fut exceptionnelle et remplie d’émotions. Quelques derniers travaux préparatifs ont pris place le matin et Vincent a réalisé les derniers essais et contrôles de l’hélice et du moteur.

Comme si tout s’était aligné, Vincent est disponible pour faire le premier vol l’après-midi et le stratus commence à se dissiper. Nous avons une fenêtre météo de 14h à 17h, que nous allons exploiter.

Vincent aligne le Navion sur la piste de colombier, gaz à fond, le moteur fonctionne parfaitement, il lâche les freins et décolle en moins de 200m. L’avion prend vite de l’altitude malgré son train d’atterrissage toujours dehors (pour des raisons de sécurité).

Dès qu’il a atteint 4500 pieds, il a rentré le train d’atterrissage et testé le comportement du Navion dans toutes les configurations de vol.

Quelques minutes de vols auront suffi à confirmer que le nouveau moteur fonctionne à merveille, l’avion vole bien et il n’y a pas de problème majeur.

Retour sur le terrain avec un atterrissage tout en douceur comme papa savait les faire. J’avais préparé une bouteille de champagne dans l’espoir de fêter cet événement. Vincent et le Navion ont été accueillis par une douche alcoolisée de circonstance. Le NAvion de papa vole à nouveau et il est maintenant « baptisé » !

Comme si la journée n’avait pas été assez extraordinaire, Vincent me propose d’aller voler avant la pluie. Je me prépare et l’excitation est à son comble. Pour la première fois de ma vie, je vais voler dans mon avion, sans papa. Mes pieds ne touchent déjà plus le sol depuis un moment et le vol qui se prépare ne va pas arranger les choses. Je suis dans un état second, je profite de chaque minute et je me demande à tout moment si tout cela est bien réel …

Installé à la place du copilote et harnaché au siège, le moteur rugi en un instant. Nous commençons à rouler jusqu’au seuil de piste, le moteur est déjà chaud et les checks sont réalisés avec succès. Moteur à fond, et top départ pour un décollage court. Mes sensations et souvenirs du passé sont instantanément retrouvés. Le son du moteur, les vibrations et l’accélération du Navion nous propulsent dans les airs avec une facilité déconcertante…

Après une montée à l’altitude de sécurité, Vincent me donne les commandes. Je ne suis pas habitué à piloter à droite, mais le plaisir de voler et de piloter mon avion est enfin arrivé, quel bonheur!

Le vol s’est merveilleusement passé et est écourté par la pluie qui menace à l’ouest de l’aérodrome de Colombier.

Je suis plein de gratitude envers Vincent et son entreprise aéronautique, grâce à notre travail commun, notre passion des avions anciens, nous avons réalisé une restauration quasi complète de ce magnifique avion de 1946.

Lorsque j’ai débuté cette aventure en 2021, jamais je n’ai douté que nous y arriverons. J’ai toujours eu une confiance absolue malgré les difficultés. Ce que j’ai expérimenté en 2 ans et demi de travail va bien au-delà de la restauration d’une machine volante. J’ai découvert le professionnalisme, la passion et l’amour de l’aviation que voue Vincent à son métier. C’est une expérience humaine que je ne suis pas prêt d’oublier. J’ai découvert le métier de mécanicien avion et mon amour pour l’aviation ancienne n’en est que renforcé.

Je savais depuis toujours que voler et devenir pilote était un appel d’âme, et au-delà de la passion, une raison d’être…

Ce sentiment de voler est décrit dans ce magnifique poème de Sir John Magee que vous entendez également dans la vidéo :

“Je me suis libéré des emprises de la terre, pour danser dans le ciel,

sur des ailes argentées d’un grand ris.

Je suis allé vers le soleil, j’ai rejoint les cascades chaotiques de nuages tranchés de lumière.

Et là, j’ai vécu des moments dont vous n’avez jamais rêvé !

Voler, Planer, Balancer si haut dans le Silence solaire

Suspendu, j’ai pourchassé le vent hurlant, et lancé mon vaisseau au travers de fabuleuses cavernes, pleines d’un air raffiné.

Haut, plus haut, au long d’un délire de Bleu brûlant, j’ai survolé les sommets balayés de vent, dans une sérénité que nul aigle, nulle alouette, n’ont jamais vécue.

Puis, alors que mon esprit silencieux s’élevait, au travers du sanctuaire inviolé de l’espace, j’ai sorti une main et caressé le visage de Dieu.”

 John Gillespie Magee, Jr. 3 septembre 1941